CHAUMONT – Portrait animiste d’un château, ses dépendances et son parc
Par Henry Roy
Nous sommes toutes et tous les fruits d’une rencontre.
En moi se mêlent deux mondes considérés comme antinomiques.
Celui de la France ancestrale qui a su cultiver, au long des siècles, d’admirables savoir-faire, et celui d’Haïti, pays de réalisme magique et de merveilleux, né de la conjonction tragique du système colonial et d’une Afrique suppliciée.
Enfant, j’ai visité les châteaux de la Loire avec ma classe de primaire, impressionné par ces joyaux d’une histoire où je ne me trouvais pas.
Dans un même temps, mes parents m’insufflaient, par leurs seules présences, l’héritage afro-caribéen légué par leurs lignées.
Ce portrait de Chaumont est une façon écopoétique d’embrasser cette double filiation.
L’exposition de nombreuses œuvres d’art, la maitrise esthétique et le faste qui donnent au domaine sa qualité, s’y confrontent aux manifestations d’une nature habitée, régie par des lois secrètes, étrangères à toute rationalité.
Pour dresser ce portrait, j’ai fait allégeance à ces lois. Me tenant, en résidence, à l’écoute de cette nature de France, je me suis imprégné du rythme des saisons, des fluctuations de la lumière, des nuages et des vents, me suis soumis aux frasques du hasard.
Ignorant la fièvre de notre temps, j’ai opté pour la flânerie, avec le calme introspectif d’une méditation. Je me suis accordé la liberté, le luxe ultime de ne me fier qu’au radar de mon intuition durant toute la durée de ce voyage intérieur.
Chemin faisant, j’ai honoré les esprits des plantes, des pierres, de l’eau, de la terre et du ciel, avant d’aller saluer les fantômes qui hantent ces lieux.
Je me suis livré aux rituels d’un culte inventé, à un cérémonial, un acte psycho-magique, comme une forme d’incantation adressée aux forces de guérison de notre planète dévastée.
Ceci est mon journal.
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