Extrait de Jouer, texte concernant l’exposition Jouons, présentée en mars 2019 au Musée Hong de Chengdu et au Shutter Art Space de Canton (Chine).
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Henry Roy est un photographe haïtien résidant à Paris depuis ses dix ans, comme moi. Son travail est puissamment poétique. C’est comme s’il ne savait pas voir le monde sans les accents de lumière les plus surprenamment violets; dans cette ombre du visage où le soleil répond en écho, à l’oblique d’un rayon. Ses images sont brutalement poétiques. Nous discutions ensemble de son monde, emprunté au mysticisme vaudou de son île natale. Je pense que cet homme porte une pierre précieuse au milieu de son cœur battant, dont il n’a pas l’idée de la matière, du poids, de l’origine et de la destinée. Elle est un Secret au cœur de lui-même. Ses photographies, selon moi, tentent de percer son propre Secret. Et lorsque l’appareil photo enregistre sur la surface du papier un angle de la pierre précieuse, elle explose en mille rayons de lumières et de couleurs. On en reste ébahi, on ne comprend pas
bien d’où cela vient. On absorbe. Ensuite, la pierre précieuse réabsorbe sa lumière et s’éteint. Ce mouvement du monde est visible dans la photographie d’Henry Roy : c’est la pudeur et la discrétion. Les images n’explosent pas, elles irradient pudiquement. Lorsque j’étais adolescente, je peignais. Ma quête impossible - sinon à quoi bon être en quête de quelque chose - fut d’inventer une nouvelle couleur. Nous n’avons à notre disposition que les couleurs du spectre solaire, celles que révèle l’arc en ciel et qui viennent teinter nos vêtements, les poils des animaux, la carrosserie d’une voiture, l’écran d’un téléphone. Mais je voulais trouver la couleur inconnue; je n’en démordais pas. J’ai essayé de la peindre, je n’ai pas réussi. J’ai pensé qu’au moins, je pourrais l’imaginer. La construire dans mon cerveau. Je crois maintenant que cette couleur que j’ai imaginée luit dans les photographies de Henry Roy. Je lui en suis infiniment reconnaissante.
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Lucie Touya, commissaire indépendante