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Capture d'écran (Paris, 2020)

Dans un monde consensuel où la marginalité, l’engagement et le subversif ont de plus en plus de mal à s’imposer, l’exposition collective rassemble des œuvres engagées, réalisées sans retenues ni contraintes, au plus proche de l’émotion. Force de la vie et de la mort, dénuement, sexualité, monstruosité, identité et spiritualité sont autant de liens qui tendent ses œuvres entre elles, qu’elles aient été réalisées en Haïti ou en Europe : mettant à nu l’universalité Haïtienne.

L’exposition réunira sculptures, peintures, photographies, installations et vidéos de 26 artistes contemporains du 17 juin au 17 juillet et sera ponctuée de mercredis à thèmes : performance, musique, littérature et cinéma avec de nombreux invités.

Avec Eugène André, Sergine André, Barbara d’Antuono, Élodie Barthélémy, Ronald Bazile aka Cheby, Jephthé Carmil, MAksaens Denis, Leah Gordon, Céleur Jean Hérard, Kervens Louis, Loren, Leonce Love, Ronald Mevs, Pascale Monnin, Kevin Pierre, Hérold Pierre-Louis, Lesly Pierre-Paul, Michelange Quay, Claude Saturné, Jean-Eddy Rémy, Henry Roy, Eddy Saint-Martin, Catherine Ursin, Placide Zéphyr, La revue DO.KRE.I.S , La revue Intranqu’îllités.

Après la Galerie La Rage à Lyon en janvier dernier, l’exposition MAP DANSE ANBA LAPLI est reçue au Studio Boissière à Montreuil avec un focus Grand Rue pour promouvoir le travail des artistes de ce quartier de Port-au-Prince en Haïti. Cette communauté, à l’origine du mouvement Atis Rezistans et issue de milieu très modeste, s’est distinguée par ses créations à partir de matériaux de récupération. En février dernier, le quartier de Grand Rue a dû faire face à un incendie entraînant la destruction d’œuvres mais aussi d’ateliers artisanaux. En mars, à l’annonce du confinement, la fondation Antoine de Galbert a décidé d’apporter son soutien au monde de l’art contemporain, et le Studio Boissière a bénéficié d’un fonds de soutien pour tous les artistes exposés. La vente des œuvres permettra de continuer à soutenir les artistes.

L’exposition rassemble, outre les créations d’artistes en lien avec Haïti (Leah Gordon, Barbara d’Antuono,…) de jeunes artistes émergents (Hérold Pierre-Louis, Lesly Pierre-Paul, …) des artistes confirmés (Eugène André, Céleur Jean Hérard, MAksaens Denis,…) vivants en Haïti et des artistes haïtiens vivant en Belgique et en France (Élodie Barthélémy, Henry Roy,..). Certains ont déjà exposé lors des Biennales de Venise, Miami, Sydney, Port-au-Prince, pour des musées et galeries : Grand Palais, La Villette, Agnès B ainsi qu’à l’international.

Nos Ancêtres (zansèt) sont-ils plus à même d’entrer en contact avec nous ? Entre pulsion de vie et pulsion de mort, difformité et indicibilité, violence expressive et sublimation, MAP DANSE ANBA LAPLI offre un déploiement du non vivant et de l’ineffable parmi nous. D’emblée, ce voyage sollicite la part transgressive de notre psyché, qui semble endormie… Au cœur de cet ensemble, chaque œuvre crée son propre récit, interpellant les temporalités consensuelles contemporaines et sondant le chaos de notre monde. Cette expérience visuelle rassemble une série d’œuvres qui explorent les limites de la subversion des formes. Les pièces présentées proviennent d’une multitude de pratiques et de médias : allant de la peinture, à la sculpture, à l’installation, à la photographie et à la performance.

Jephthé Carmil

Dernière mise à jour : 6 juin 2020


Paris, 2015

La Côte d'Ivoire retrouvée : variation sur une histoire de portraits. Août 2014, je suis à Pretoria où je m'apprête à accueillir mes parents quand je reçois un appel du président Amara Essy qui me laisse deviner son inquiétude à propos du climat de défiance qui prévaut dans notre pays. Par crainte du renoncement de la haute direction du Parti Démocratique de Côte d'Ivoire à la compétition présidentielle, des cadres éminents de notre formation politique s'ouvrent à lui dans une perspective de recours. De retour à Abidjan en septembre, nous approfondissons l'analyse. La Commission Dialogue Vérité et Réconciliation au sein de laquelle j'avais trouvé un point de chute temporaire étant arrivé à la fin de son exercice, je dois décider de ma reconversion et envisage une expérience onusienne dans la région en tant qu'analyste auprès de son ancien adjoint à l'Union Africaine, le diplomate algérien Saïd Djinnit. Dans ces moments d'hésitation sur la direction à prendre, une question revenait entre nous : et la Côte d'Ivoire ? Estimant sans doute qu'un exil sous-régionnal pourrait m'éloigner de nouveau du théâtre ivoirien, le président Essy ne décourage pas cette ambition de mieux comprendre les dynamiques régionales, mais me laisse entrevoir d'autres possibilités. Nous convenons tactiquement de tester la sincérité de ceux qui l'incitent à relever le gant, en s'appuyant sur une résolution du Congrès de 2013 qui stipulait que le Pdci-Rda présenterait un de ses militants à l'élection. Nous choisissons un pas de tir médiatique international à quelques jours d'un rassemblement prévu à Daoukro dans le fief du président du Parti, Henri Konan Bédié. La caisse de résonance fait mouche et le Pdci-Rda clarifie sa position dans un appel de son président à soutenir le candidat du Rassemblement des Républicains (Rdr), alors son allié au sein du Rassemblement des Houphouetistes pour la Démocratie et la Paix (Rhdp). L'horizon se fait plus clair. Nous savons ne pas pouvoir compter sur les nôtres dans cette bataille pour la sauvegarde de l'essentiel, une culture de paix républicaine soit le principal legs des pères fondateurs. Nous savons aussi désormais ce qu'il nous reste à faire pour qu'une voix issue du Pdci-Rda porte dans la campagne sa vision singulière, celle des quinze ans qui ont donné naissance à la Côte d'Ivoire libre entre juillet 1944 et août 1960. Quelques mois plus tard nous nous retrouvons à Paris pour structurer la campagne sur le versant narratif. J'ai choisi deux proches parmi les meilleurs et les plus fiables, pour concevoir avec moi le discours visuel et la présence digitale du futur candidat : le photographe d'origine haïtienne Henry Roy, l'ingénieur telecom et réseaux digital ivoirien Constant Madou. Le second ayant évolué dans l'univers de la sécurité digitale dans un groupe israélien, dirigea avec moi l'atelier de communication que nous avons monté et orchestra la Web stratégie en complicité avec l'inusable et polyvalent Adama Essy. Mais en janvier 2015, Henry Roy nous entraînait dans un café parisien pour le premier portrait de notre candidat. Un portrait qui figura sur la plateforme ivoirienne d'information Abidjan.net à l'annonce de la candidature de l'ex ministre des Affaires étrangères de Félix Houphouët-Boigny, à l'élection présidentielle ivoirienne. J'avais fixé la tonalité végétale et boisée de la campagne visuelle, puisqu'il fallait coller à l'idée de revitalisation d'un pays dans lequel la terre est une donnée fondamentale de l'Histoire. Cet attachement géologique et écologique devait pouvoir se lire implicitement en quelque lieu que le candidat se trouva comme en continuité, sa carrière diplomatique ayant amené ce natif de Bouaké (Centre), à porter la Côte d'Ivoire en lui. Cette esthétique de l'écho et l'obsession de cohérence qui la sous-tend, je l'avais identifié dès le milieu des années 1990 dans mes premières recherches universitaires sur Félix Houphouët-Boigny et le Pdci-Rda. Je l'ai réapprise dans l'expérience en agence conseil d'identité corporate et de création de marque. Henry Roy sait donner du caractère aux lieux qui par le truchement de son objectif, se chargent d'un récit et d'une atmosphère. Sa reconstruction de l'espace rend compte jusque de la psychologie des sujets photographiés. Avec Amara Essy, Henry Roy rencontre un homme-récit qui attise sa curiosité et son goût pour l'expérimentation des codes visuels. Un diplomate ferme et plastique, au fait des jeux de pouvoir. Un personnage qui passe avec souplesse du français à l'anglais ou au portugais en fonction de l'interlocuteur qui interrompt le cours d'une conversation. Du haut de la salle de café transformée en studio privatif, Henry Roy a saisi la tendresse et la force en contraste de ce moment d'histoire privée destinée au public. Une tranche de vie ordinaire, sans fard ni apparat, dans la nudité et la simplicité de jours intranquilles. Paris tressailli au rythme panique de la violence des attentats du Bataclan et de Charlie Hebdo. Tout dans ses rues, jusqu'au marquage au sol en porte la trace. L'homme dont il s'agit de fixer les traits pour les donner à voir aux siens, vient d'une terre ou café et cacao sont les joyaux du labeur paysan. Il lui fallait retrouver cette chaleur dans l'Hiver avant de le suivre en Côte d'Ivoire pour compléter les plans séquences. Une note d'ensoleillement dans la fraîcheur du temps, une lumière chaude, une fiction de réel. Le 10 juillet 2015, Amara Essy annonce sa candidature à l'élection présidentielle dans son village à Kouassi-Datékro, dans l'Est du pays en rappelant la pluralité de ses appartenances identitaires. Lui l'enfant devenu grand-père qui se souvient avoir vendu le pain de sa mère sur les marchés. Lui dont le père s'est converti à l'Islam pour pouvoir être admis à manger dans le même plat que les autres, sait ce que tolérance et justice sociale veulent dire. Ce 10 juillet là, je déjeune à la résidence de France à Abidjan avec des diplomates pour parler actualité, quand l'une d'entre-eux m'apostrophe : " M. Ekra vous êtes un cachotier, le ministre d'État Amara Essy vient d'annoncer sa candidature ". Je ne boude pas mon plaisir mais les avertis dès cet instant que si les conditions d'une élection transparente n'étaient pas réunies, et si l'amicale pression n'était pas faite en ce sens auprès du président sortant afin d'offrir un véritable choix au peuple de Côte d'Ivoire, nous sortirions de la course pour laisser le candidat du Rdr en face de l'opposition choisi. Il pourrait ainsi être à son aise, tout à sa campagne en solitaire. Nous n'entendions pas servir de faire-valoir, dans un processus d'abaissement mécanique de la légitimité démocratique, alors que nous étions conscients de la nécessité de recréer les conditions du consensus houphouetien. Cette philosophie de la politique qui a garanti trois décennies de paix civile. La légende au bas de la photo soulignait le leitmotiv de la candidature de Amara Essy à savoir " réconcilier " la Côte d'Ivoire, après plus d'une décennie de crise militaro-politique. Ainsi s'ouvrait l'aventure de " La Côte d'Ivoire retrouvée " notre projet pour le pays. #LaCivRetrouvee #CivEnsemble #CivUnie #NousSommesLePdciRda

Dernière mise à jour : 16 mars 2021

L'AMERIQUE DU GRAND COMPLOT

Il est surprenant qu’il soit si rarement fait mention, dans les médias hexagonaux, de QAnon, lorsqu’il s’agit de politique américaine.

Le véritable phénomène de l’Internet qu’il représente me semble pourtant exercer une influence croissante sur une part significative de l’électorat américain. Les messages du mystérieux internaute caché derrière ce nom ont envahi les réseaux, jusqu’à mon propre écran.

Leur contenu se déploie en une narration énigmatique, supposément visionnaire, qui relate les exploits du super sheriff Trump dans le combat acharné qu’il mènerait contre l’Etat Profond.

En mêlant sociétés secrètes, extraterrestres et entités lumineuses, cette réalité alternative se propage sur le web sous la forme d’un récit dévoilant l’exécution d’un plan souterrain mené par l’administration Trump.

QAnon en serait à la fois le décodeur en chef, et l’oracle.

Ainsi, l’Etat Profond, dont les 8000 à 8500 membres lucifériens se livreraient en secret à des orgies pédophiles qui culmineraient en d’atroces sacrifices, s’apprêterait à imposer son ordre démoniaque à toute l’humanité.

Malheureusement pour ces adorateurs de Baphomet, Donald Trump The Great mettrait tout en œuvre pour déjouer leur plan funeste.

Cette épopée, digne d’une version psychédélique de Game of Thrones, ou de la première version de Matrix, révèle un scenario dont se nourrit la popularité de l’actuel Président des Etats Unis.

Les prochaines élections américaines ne pourront être appréhendées sans la prise en compte de ce phénomène.

Il ne suffit pas de considérer son bilan économique, sa gestion de la crise du Covid-19 et des tensions inter raciales, ou ses débordements médiatiques, pour comprendre le lien qui unit Trump à sa base électorale.

Car ses équipes mènent une propagande extraordinairement efficace, dont l’impact semble échapper à la plupart des médias traditionnels. Une propagande 3.0, qui puise légitimité et substance dans les méandres de la Toile.

L’univers virtuel où Trump règne en maitre incontesté du monde libre, sauveur providentiel de la planète, ne tolère pas la moindre mise en cause, et tire profit de toute critique négative.

Une frange de l’Occident blanc y a trouvé son super hero, son envoyé du ciel venu rétablir l’ordre et la justice. Les médias qui le réduisent à un clown caractériel font mine d’ignorer le crédit dont il jouit dans divers cercles communautaires.

Les white supremacists s’y mêlent aux milieux, à priori humanistes, de la spiritualité.

Car cette croisade « anti système » rassemble un large spectre d’opinions. Une fois désignés l’ennemi suprême (une cabale dirigée par quelques banquiers juifs), la cause à défendre (libérer l’humanité du mal qui la gangrène) et un leader charismatique (Donald Trump), il ne reste qu’à agir pour sauver la planète.

Action qui se limite, le plus souvent, au partage de quelques vidéos sulfureuses.

J’en ai visionné certaines. Ce qui m’a le plus frappé est la proportion significative - Bill Gates mis à part – de Juifs, de femmes et d’Afro-descendant.e.s qui y sont exposé.e.s comme suppôts du diable, dès lors qu’il s’agit de dénoncer les manipulations de Hollywood et des médias mainstream, ou l’agenda des élites satanistes.

Ainsi, Hilary Clinton, Jay Z, Beyonce, Lady Gaga, Michelle et Barak Obama, Marina Abramovic, Serena williams, Tigers Woods, entre autres, sont présentés comme les disciples du culte démoniaque menaçant d’anéantir le genre humain.

Peu m’importe la véracité de ces allégations, mais si j’appartenais à un groupe d’extrémistes blancs cherchant à maintenir la domination du patriarcat caucasienne sur le monde, je ne m’y prendrais pas autrement.

Ce qui nous laisse imaginer la volonté cachée derrière la lettre Q.

Mais tout ceci n’est que projection.

Le fait que cette théorie soit parvenue à faire de Trump un grand libérateur, engagé corps et âme dans la sauvegarde des peuples me laisse dubitatif.

Milliardaire initié des cercles qu’il désigne comme criminels, il n’a pourtant pas le profil d’un modèle héroïque.

Ouvertement affabulateur, xénophobe, raciste, sexiste et belliqueux, il ne fait que défendre, dans la plus pure tradition américaine, les valeurs prédatrices de la nation qui l’a vu naitre.­ Je ne doute pas des responsabilités de l’Etat Profond dans la mise en œuvre, par les gouvernements américains successifs, de l’anéantissement de tout obstacle à l’expansion du darwinisme économique. En revanche, je ne vois pas en quoi Trump se démarquerait de ses prédécesseurs ?

Il semblerait plutôt qu’il soit un parfait produit de l’idéologie qui fait de l’Amérique l’incarnation du mal pour tant d’autres nations.

Comment un homme, sympathisant de l’ultra droite, dont le but est de perpétuer une économie ultralibérale aux effets dévastateurs peut-il être pris pour un preux chevalier luttant contre la peste mondialiste ?

A moins d’être d’ascendance européenne et de croire aveuglément en l’infaillibilité du marché, je ne comprends pas bien comment on peut adhérer à pareille fable.

Il est vrai que les partisans de QAnon s’appuient sur la théorie de l’inversion des valeurs. Une idée selon laquelle les élites cabalistes nous feraient passer des vessies pour des lanternes, en nous présentant le mal comme bon et le bien comme mauvais. L’urgence climatique, l’antiracisme, le respect du féminin et de la nature, l’empathie ou la promotion d’une fraternité entre les peuples ne seraient-ils donc que manipulations perverses ?

S’il ne s’agit de lutter contre l’avènement du nouvel ordre mondial que pour préserver la suprématie d’une telle Amérique - sérieusement compromise, d’ailleurs, par la puissance chinoise – se dirige-t-on vraiment vers un monde meilleur ?

Les adeptes de QAnon, dont le slogan est : « Where We Go One We Go All », feraient bien de penser au-delà des limites de leurs fantasmes nationalistes.

Tout le mal de la terre ne saurait être concentré au sommet d’une pyramide secrète. Le désordre mondial est, avant tout, l’expression de ce que victimes et bourreaux créent ensemble. Chacun apportant, plus ou moins consciemment, sa pierre à l’édifice.

Commencer par l’admettre serait le meilleur service que nous puissions nous rendre à nous-mêmes. Et, par conséquent, à la planète entière. Car aucun pouvoir ne pourrait égaler une massive ouverture des consciences.

Non, Donald Trump n’a rien d’un messie, pas plus d’ailleurs que d’un sociopathe. Son idéal n’est autre que de maintenir le statu quo mondial, pourvu qu’il lui profite.

N’a-t-on pas déjà connu prophète plus crédible ? Cette manie des Américains de séparer le monde - en leur faveur évidemment - selon la simple polarité bien contre mal, et de croire au père Noël, a quelque chose d’exaspérant, voire de dangereux.

Si le règne de l’Amérique devait prendre fin, la terre continuerait assurément de tourner. Dans l’histoire d’Homo Sapiens, quand une puissance disposant d’un avantage technologique a voulu s’imposer à une autre, elle a toujours fini par l’emporter.

Les élites chinoises, américaines et israéliennes se disputent actuellement cet avantage.

Mais avec ou sans Mister Trump, ce sont sans doute nos capacités collectives à gérer les défis auxquels nous confronte l’amenuisement des ressources planétaires qui mèneront notre humanité vers sa destinée. Tragique ou lumineuse.

HR

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