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Vous pouvez considérer l’eau comme une substance chimique composée de molécules H2O, et lui prêter des propriétés purement physiques. C’est votre droit.

Ou vous pouvez, comme les animistes, la considérer comme un élément mystique, royaume d’entités bienveillantes ou hostiles. C’est une option.

J’ai toujours été fasciné par l’eau, qui tient une place de choix dans mon univers.

Si vous y plongez votre main, la forme de vos doigts se modifiera au gré des ondulations. Vous vous confronterez aux notions de surface et de profondeur, de réflexion, d’opacité, de transparence et de suggestion. Vous promènerez votre regard aux frontières du visible, en un lieu où vacillent les certitudes. Un espace où je me sens particulièrement bien.

Je suis de ceux qui ne doutent pas de la mémoire de l’eau, ni même de son intelligence émotionnelle. Ce qui équivaut, purement et simplement, à croire en la transcendance.

De là à déduire que notre façon de considérer l’eau reflète la qualité de notre regard, il n’y a qu’un pas. Un pas que je franchirai sans hésitation.

HR


Congo, 2004

Dernière mise à jour : 26 sept. 2021



Il y avait cette joie, en moi, simple et légère ; un enthousiasme juvénile que j’ai gardé tard dans ma vie. Et puis il a fallu se conformer, se coltiner l’adversité, dans un contexte culturel qui s’opposait à toute gaité. La photographie de l’époque était morne, grise, volontairement inexpressive.

Il n’était pas question d'y célébrer la vie, de peur, sans doute, d’avoir l'air trop publicitaire. Il fallait être un révolté, de gauche, s’afficher subversif, soi-disant humaniste.

Il était de bon ton d’être un peu dépressif, intello-nostalgique. Ne surtout pas s’oublier, bêtement, à se réjouir. Pour être crédible, il fallait être grave, cultivé, distant. C’était mieux d’être blanc, aussi. Trop de rire ne pouvait qu'altérer mon image de migrant d’Haïti, me renvoyer aux pires clichés. On me voulait engagé, mais pas trop, militant de ma cause identitaire, mais cordial. J’ai adopté cette posture contradictoire, je l’avoue, ai surjoué l'outsider. Au fond de moi se cachait un enfant, qui riait secrètement des mines tourmentées, et des sourcils froncés. Il attendait son heure.

Il suffisait que je m'approche d’une mer chaude, et retrouve le large. Le môme ressuscitait, hilare, avec l'espièglerie d’un feu follet. Il lavait dans l’eau claire les couches de mensonge qu’il s’était imposées. Oubliant ses blessures et ses renoncements, il ne dissimulait plus sa joie d’être vivant.

HR


Copyright: Elisabeth Obadia


Comment en suis-je arrivé à photographier de la pensée ? Cette obsession puise sa source dans mon apprentissage de la photographie. Les grands portraitistes du 20ème siècle que furent Richard Avedon et Irving Penn, en particulier, ont associé une dimension psychologique à la représentation humaine. Leurs œuvres dialoguaient avec celles des plasticiens, écrivains, cinéastes et penseurs de leur temps; artistes et intellectuels qui s’employaient à sonder l’âme humaine.

La maitrise formelle allait de pair avec une volonté d’investigation psychique, la sensibilité du photographe questionnant l’esprit du modèle. La prise de vue était un voyage mental, un échange dont le fruit avait une forte densité expressive. Cette approche s'est marginalisée.

J’ai aimé ces portraits. Celui – le plus célèbre - de Marilyn Monroe (par Richard Avedon), jeune femme plantureuse, réduite à une enfant esseulée sur fond gris. Ou ce gros plan d’une paume ouverte de Miles Davis (par Irving Penn), érodée par la vie, pliant le majeur sur la touche d’une trompette imaginaire. La survie par le son.

C’est de ce type d ’images, sans doute, que vient mon goût pour la captation de l’intériorité humaine. Une femme ou un homme qui pense ne triche pas. C’est à penser que nous consacrons le plus clair de notre temps, captif que nous sommes du flot ininterrompu de notre activité cérébrale.

Celle ou celui qui pense habite l’espace intime de son être, loin, la plupart du temps de toute tentation narcissique. J’aime l’y rejoindre en empathie, et en partager l’echo.

J’y vois la vérité de notre condition d' animaux cogitant, souvent trop peu conscients de nos natures profondes.

HR

Kinshasa, 2004

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