Quand j’observe, avec grand intérêt, les mouvements écologistes en vogue (j’entends par là ce courant de réflexion et d’offre artistique qui appelle à la création de nouveaux récits), je suis décontenancé de n’y voir quasiment aucun Afro-descendant.
Force est de constater qu’il s’agit là d’une démarche occidentalo-centrée, dont les militant.e.s sont presque exclusivement blanc.che.s. On y fait surtout l’apologie du local, du régional et d’un communautarisme territorial « résonné ».
Se rapprocher de la terre équivaudrait-il donc à se replier sur la sienne ? Et ce à l’intérieur de frontières murées et barbelées ?
Trop occupés à revendiquer la légitimité de leurs places dans l'histoire d'une l’humanité qui les infériorise, les Afro-descendants, dont je suis, semblent bien plus sensibles aux questions identitaires et migratoires qu’à cette écologie perçue comme partisane.
Ceci expliquerait-il cela ?
Quant aux Souchien.ne.s européen.ne.s, habitués à se penser au centre de l’univers, ils (ou elles) en oublieraient presque que leur civilisation est à la source même de la plupart des problèmes qui ravagent notre planète.
Les solutions seraient-elles à leurs portées ? Leurs agissements ont-ils été, durant ces derniers siècles, de si convaincants exemples de l’intelligence rationnelle dont ils se réclament ?
Peut-être serait-il temps de sortir du quant à soi et de faire de la prise en compte des autres, de tous les autres, et de leurs savoirs, un des axes majeurs autour desquels construire ces nouveaux récits.
Il est navrant de voir se reproduire, en de telles circonstances, les hiérarchies séculaires responsables des plus sanglants conflits.
Alors que toutes les prospectives nous mènent vers la probabilité de violents affrontements pour l’accaparement de ressources raréfiées, tout laisse entendre que sous les paroles humanistes prononcées en territoires prospères, se dissimulent et se perpétuent de vieux réflexes tribaux.
L’écologie serait affaire de blanc.che.s éduqué.ée.s, majoritairement urbain.e.s. De ceux ou celles qui savent manier le langage et manipuler symboles et médias.
Je ne pense pas une seconde que tout ceci soit imaginé et organisé à dessein, et ne doute pas de la bonne foi des acteurs de ce mouvement.
Je crois simplement qu’ils reproduisent, par le force des choses, la réalité inégalitaire de la société dans laquelle nous évoluons.
De ce point de vue, Rouge impératrice, le dernier opus de Léonora Miano est tout à fait salutaire. En proposant une utopie afro futuriste qui renverse les rôles et place les Blancs en position de migrants d'une Afrique unifiée, elle met à jour de façon inédite les mécanismes du séparatisme ethno culturel.
C’est un excellent livre, indispensable à l’ouverture des esprits. Je le conseille vivement à cette génération de militants écologistes, à qui je concède volontiers le mérite de questionner avec une acuité indiscutable le chaos planétaire.
HR
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