Des semaines que j’observe en silence le brouhaha consécutif à la propagation du COVID -19. Des jours que je cherche, comme tout le monde, à m’informer à diverses sources, de préférence contradictoires.
Il est vrai, comme l’a exprimé Aurélien Barrau dans une de ses plus récentes vidéos, qu’il est inapproprié de réagir à chaud face à un évènement d’une telle ampleur.
Le risque étant décuplé de prêter sa voix aux rumeurs les plus fantaisistes, déraisonnables et anxiogènes.
Il est aisé, en effet, de se perdre au milieu d’une telle cacophonie, amplifiée par les frustrations générées par les confinements.
Je m’y suis moi-même perdu, avant d’en tirer les quelques observations suivantes.
Il semble bien que cette crise soit autre chose qu’une simple affaire de coronavirus d’origine chinoise. Il est clair qu’en ajoutant au chaos du monde, elle met à jour des enjeux bien plus vastes.
C’est, avant tout, une crise de conscience, qui ébranle sérieusement la légitimité de l’ensemble du système médiatique et, par conséquent, la véracité du réel qui nous est proposé.
Un ennemi invisible dont la dangerosité semble considérablement varier selon les régions du globe où il se répand est un parfait catalyseur de paranoïa.
D’autant qu’à de rares exceptions près, le mensonge d’état (qu’il soit démocratique ou autoritaire) s’est imposé comme stratégie de communication privilégiée.
Rien de nouveau dans la façon qu’ont les gouvernants de nous berner pour préserver leurs intérêts de caste. Un changement progressif est sans doute à mettre au crédit de l’élargissement de conscience de populations de plus en plus portées sur les médias alternatifs.
Puisque l’on peut lire et entendre tout et son contraire, à qui doit-on se fier ? Cette interrogation renforce la peur et son lot de projections, plus ou moins fondées.
Nous évoluons dans un espace saturé de données de provenances multiples, où domine un irrationnel inextricable.
Ces flux désordonnés résultent de la confrontation des intérêts des milliards d’individus que nous sommes. Individus à ce point minés par l’insécurité et la peur de la mort, qu’ils ont souvent du mal à penser le bien commun.
Il devient hasardeux de se fier à nos gouvernements qui, c’est un fait avéré, servent les projets supranationaux de plus puissant qu’eux. Une oligarchie qui décide, hors de la sphère démocratique, de l’ordre économique auquel nous sommes soumis. Il est compréhensible que cette clandestinité alimente les théories conspirationnistes.
Prétendre que toute hypothèse complotiste est une dangereuse subversion ne peut que conforter de telles théories. Car ça ne fait que renforcer la vocation qu’ont ces idées à se nourrir de la censure des élites qu’elles désignent.
N’est-ce pas, d’ailleurs, dans la nature humaine de comploter ? Des mini complots se fomentent à tout instant, dans chaque recoin du monde, dès lors que nos cerveaux s’allient pour imaginer des stratégies d’accaparement ou d’expansion.
L’existence d’une élite planétaire qui manipulerait nos consciences dans un but inavoué, comme le ferait un groupe d’individus au sein d’une entreprise ou d’un parti politique, n’est même plus un secret véritable.
Ca n’est finalement qu’une question d’échelle.
Le propos est de savoir quels intérêts motivent telle ou telle décision, ce que cache telle information.
Peu d’entre nous sommes prêts à nous livrer à un travail d’enquête ou d’investigation pour démêler le vrai du fake.
Nous faisons donc le tri selon nos sensibilités, croyances, orientations politiques ou confessions religieuses. Les frontières entre les divers camps sont tracées à l’avance.
Le COVID -19 ne fait qu’exacerber ce qui est déjà, accentuer des alliances et divisions préexistantes.
Je ne crois pas, comme le prétendent certains, qu’il puisse changer le monde. En revanche, il pourrait, fort de la crise économique qui se déploie, en radicaliser les tendances, positives et négatives, en accroitre les tensions.
L’espoir qu’il puisse y avoir une version officielle de la réalité à laquelle nous puissions nous accrocher en prend un sacré coup.
Il s’avère de plus en plus clairement qu’un réel fixe, stable, sur lequel compter, ne peut plus être envisagé.
La réalité contemporaine est résolument plurielle, fluctuante, insaisissable. Elle se présente comme une série d’hypothèses, de spéculations subjectives, souvent invérifiables. D’autant moins que la plupart des journalistes et scientifiques, autrefois garants d’une raison considérée comme objective, sont aujourd’hui aux ordres d’intérêts économiques suspects. Ce qui les a privés de toute crédibilité.
Divers courants politiques, tels que le trumpisme, ont parfaitement compris comment instrumentaliser ce discrédit.
Ses partisans complotistes d’extrême droite en appellent à une rébellion « anti système » aux accents patriotiques et messianiques, tout en servant une politique qui n'est qu'une version protectionniste du néolibéralisme. Leur fantasme est d’infléchir la pyramide des pouvoirs en leur faveur, sans pour autant déconstruire l’ordre économique capitaliste. Puisqu’ils souhaitent, plus que tout, préserver la suprématie menacée de l’homme blanc d’ascendance européenne.
A l’opposé du spectre politique, les « bien-pensants » mondialistes de gauche défendent une idée vertueuse et idéaliste de l’humanité qui peine à trouver ses applications dans un contexte de repli généralisé.
Ils en appellent au changement radical auquel ils semblent seuls à croire. Contrairement à leurs adversaires, ils ne s’appuient sur aucune construction politique ou économique clairement établie et comptent sur un hypothétique bon sens de masse pour redresser la barre d’une planète en déroute. Ainsi que sur les réflexes coopératifs suscités par un prochain effondrement systémique. Dans ce but, ils proposent de multiplier les communautés territoriales résilientes.
S’ils peuvent sembler méconnaitre l’espèce humaine, ceux-là me sont infiniment plus sympathiques.
Mais tout n’est pas si tranché, ni linéaire. Parmi les conspirationnistes se trouvent des écolos anticapitalistes, promoteurs de la théorie post New Age de la Nouvelle Terre.
Inversement, parmi les écolos collapsologues se comptent des survivalistes, partisans d’une version individualiste et darwinienne de l’Apocalypse. Toutes les combinaisons se croisent et se mêlent ainsi, dans toutes les directions.
Pour les uns et les autres, le COVID -19 est une opportunité de voir pencher la balance du côté de leurs prévisions.
Les hommes et les femmes fauchés par l’infection sont donc otages de visions du monde concurrentes.
Aussitôt le décompte des décès annoncé, il est objet d’interprétations orientées.
Mais personne n’y voit clair dans cette complexité. Tout est si dramatique, rapide et confus que nos intellects peinent à suivre le défilement évènementiel.
Il y a celles et ceux, dont je suis, qui se tournent en eux-mêmes et interrogent le monde qui les habite, miroir individué du chaos planétaire.
En un effort soutenu de concentration, j’observe mes pensées, ouvrières du vacarme qui m’encombre l’esprit. Elles jaillissent de je ne sais où, tournent à vide, en boucles successives, puis disparaissent enfin, remplacées par d’autres, tout aussi vaines.
Des pensées embarrassantes, sans objet, produites par défaut.
Il me faut une volonté de fer pour les chasser de là, les réduire au silence.
Leur absence laisse un calme ressenti comme ultime refuge.
Plus de peur, pas la moindre émotion. Plus de saleté de virus, de confinement, de crise économique, plus de complot sataniste, ni de lendemains catastrophiques. Rien d’autre que ma respiration, et que l’obscurité de mes deux yeux fermés.
Je me suis affranchi de mon identité, et de l’agitation du monde, pour entrer dans une intimité d’où observe cette part de moi-même libérée de toute apesanteur. Me voici enfin revenu en mon centre ! J’aimerai y durer, mais je sais que je n’y tiendrais pas bien longtemps.
Je me sens y puiser ce souffle essentiel, cette forme d’acuité dont je ne saurais dire comment elle se manifestera dans ma vie matérielle.
Le monde est un théâtre où nous sommes créateurs des rôles que nous jouons. La difficulté est d’en conquérir la conscience profonde, afin d’en imprégner le réel tridimensionnel.
En ces temps de délitement, prendre en charge son propre trouble existentiel, et aller puiser au fond de soi les ressors d’une action inspirée, pourraient s’avérer les moyens les plus sûrs d’échapper à la traque des algorithmes.
Il s’agit, face à l’adversité, d’envisager de nouvelles façons d’être humains.
Le confinement a au moins le mérite de nous offrir à tous.tes.s cette belle opportunité.
HR